Le Slasher ou les fils d’Halloween



En 1978, alors que les studios hollywoodiens cherchent un moyen de produire des sujets semblables au film événement de l’année précédente, La Guerre des étoiles (Star Wars) de George Lucas, la Warner Bros distribue discrètement un petit film indépendant du nom de Halloween (en France, La Nuit des masques). Ni les cadres du studio ni le jeune réalisateur John Carpenter n’auraient pu prévoir que ce long métrage d’horreur deviendrait, pour quelques années, le film le plus rentable de l’histoire du cinéma.

A l’origine de ce projet, les producteurs aident un nouveau cinéaste au talent prometteur qui, avec son premier film Dark Star (1974) mais surtout avec son second Assaut (Assault on Precinct 13- 1977), a réussit à s’attirer l’attention des professionnels en dépit de celle du public. Le désir de ce metteur en scène n’est, ni plus ni moins, que de provoquer à nouveau un sentiment profond de peur dans les salles obscures. Pourtant le sujet est des plus mince: un tueur s’échappe de l’asile où il avait été enfermé quinze ans plutôt pour le meurtre de sa sœur. Le soir d’Halloween, il revient sur les lieux du crime pour recommencer à assouvir ses pulsions meurtrières.

Le succès immédiat du film lance définitivement la carrière de John Carpenter (qui se spécialisera dans le genre cinématographique de l’épouvante). De plus, Halloween prouve aux producteurs que la série B horrifique, à petit budget, peut s’avérer une affaire financièrement très intéressante.

Etrangement, ce n’est qu’en 1980 que Sean S.Cunnigham, producteur (du premier long métrage de Wes Craven, en 1972, La Dernière maison sur la gauche/ The Last House on the Left) et réalisateur, sort sur les écrans, à nouveau distribué par la Warner Bros, le désormais “ classique ” Vendredi 13 (Friday the 13th). Le succès est immédiat. Une nouvelle catégorie cinématographique vient d’être créée: le Slasher (littéralement “ tailladé ”). Il est cependant primordiale de distinguer le slasher du psycho-killer. On n’a souvent rapproché ces deux types de film d’horreur pour d’évidentes similitudes esthétiques (meurtres sanglants, victimes jeunes et de préférence féminines, tueur impitoyable, ...)et non narrative, le point de vue du premier étant celui des proies alors que celui du second nous plonge plus subjectivement dans l’univers de l’assassin. Nous pouvons trouver dans la deuxième catégorie de véritables portraits de tueurs et des œuvres passionnantes, dans leur approche clinique, comme dans The Driller Killer (1979) d’Abel Ferrara, Maniac (1980) de William Lustig ou bien encore Schizophrenia (Angst/Fear-1983-Autriche) de Gerald Karlg. Ici, il s’agit donc de nous faire pénétrer davantage dans les méandres torturés de l’assassin que de nous montrer un simple jeu de massacre.

Grâce à Halloween et à Vendredi 13, le Slasher peut enfin se construire des principes immuables que les scénaristes, volontairement peu inspirés, reproduiront tel un cahier des charges faisant office de clefs du succès. En effet, le Slasher est une catégorie de film qui est susceptible d’être réalisée à un moindre coût pour une rentabilité quasi assurée. Proche du théâtre par son respect de la règle des trois unités, le sujet est généralement simple ( un tueur massacre des jeunes jusqu’à la fin du film où le dernier survivant réussit à arrêter le responsable du carnage), le lieu souvent unique (une forêt, une université,...) et le temps intradiegétique très court (une journée ou deux). Tout ces ingrédients permettent des tournages rapides, avec des équipes réduites et, par conséquent, des budgets légers. Les personnages n’existent que pour être tués et ne représentent donc que des silhouettes impersonnelles. La réalisation n’innove que très rarement; seule en fait compte une chose pour le public: les meurtres. Sur ce point, nous pouvons reconnaître les slashers de qualité à leur volonté d’offrir au spectateur des meurtres originaux (à l’arme blanche ou objet s’en rapprochant) accompagnés d’effets sanglants de très bonne facture. Ces derniers constituent les moments forts du long-métrage où les intermèdes dialogués, des plus banaux et dénués de tout suspense, ne constituer que le lien entre les scènes “ d’actions ”. En fait, c’est par la présence d’une menace constante que Halloween reste le modèle du genre insurpassé. Par une mise en scène suivant avec une steadycam les déplacements des personnages, tout en les montrant observés par le tueur (en vue subjective), John Carpenter réussit à créer un ambiance lourde et vénéneuse dont les autres slashers sont, en général, totalement dépourvus. D’ailleurs, on peut constater que la structure narrative d’Halloween ne privilégie en aucun cas les meurtres, les coups de couteau mortels étant hors champs. La Nuit des masques n’est pas un film sanglant. En ôtant les séquences de meurtres, l’interêt du film serait toujours présent dans les séquences minimalistes où le tueur rode.


A part entière dans le genre cinématographique de l’horreur, le Slasher à donc ses constantes. A l’aide des plus marquantes, comme le choix des lieux ou la nature des différents protagonistes, nous tenterons d’analyser, en allant à l’essentiel, ce phénomène que Wes Craven, en 1997, a reussit à faire renaître des ses cendres, à l’aide de Scream.


Les Personnages



a) les victimes


Le Slasher étant un genre de film prédestiné, en priorité, aux jeunes et, en particulier, aux adolescents, la majorité des personnages sont des étudiants qui se réunissent dans un lieu pour travailler ou pour faire la fête. Le procédé d’identification est donc on ne peut plus évident dans la mesure ou le public sera lui aussi composé, de manière générale, de groupes de jeunes.

La composition du clan sera, elle aussi, fidèlement (mais caricaturalement) reproduite. Afin de ne laisser aucun type de caractère dans l’ombre, les scénaristes ont rassemblé des personnages récurrents dont chacun évoque une personnalité très précise et ciblée. Nous les appelons et les reconnaissons donc par leurs traits distinctifs plutôt que par leurs prénoms. Nous trouvons communément “ le coureur de jupon, le blagueur, l’obèse, la nymphomane, le drogué, le voyou ”, parfois “ le surdoué ” et surtout “ la prude timide ”. Hormis la dernière, dans laquelle aucun n’ose se reconnaître, les spectateurs s’identifient aux autres personnages comme pour nier, même de manière illusoire et temporaire, les convenances morales que leur impose la vie, la loi et surtout leurs parents. Car dans le Slasher, l’autorité parentale est absente. A quelques exceptions près, les films montrent les jeunes entre eux, coupés du monde, comme dans un cinéma, et donc apparemment libres de faire ce qu’ils veulent. Les spectateurs projettent enfin leurs fantasmes au grand jour. Ils révèlent, pour une acceptation par le monde fictionnel, leurs vices cachés ou désirés. Le film devient en somme un lieu de défoulement.

Cependant le Slasher étant un genre crée, à la base, par des adultes, les caractéristiques “ libérales ” des protagonistes ne sont qu’une illusion. En effet, tout ceux qui commettent un affront aux yeux de l’Amérique puritaine, sont les victimes désignées du tueur. Leur démarche profondément politiquement incorrect (ils fument, font l’amour, boivent,...) les rend donc nuisibles au regard de la société. Le spectateur devra donc, une fois tous ces décadents disparus, se rattacher obligatoirement à l’unique personnage restant, celui qui n’a fait aucune mauvaise action.


b) Le survivant.


Singulièrement, alors que le Slasher est un sous-genre très puritain et emprunt d’un fort sentiment de conservatisme, le survivant bien que prude et sérieux est souvent une femme. Halloween et Vendredi 13 lancèrent en effet cette mode d’héroine transformant le film d’horreur, jusqu’à là profondément machiste (le héros sauvant la femme apeurée des griffes du monstre), en oeuvre cinématographique travaillant pour le féminisme. C’est probablement cette notion moderne, définitivement révélée dans les années 70, qui attira la partie féminine du public dans les salles obscures projetant des des film d’horreur qui, jusqu’ici, ignoraient totalement ce type de spectateur et qui, pour cette raison, perdait un pourcentage non négligeable d’argent.

Pour les studios, il est très important que la survivante soit irréprochable moralement. En effet, si par malheur, un film montrait un jeune voyou s’en sortir impunément, non seulement la responsabilité des auteurs serait prise en compte au moindre incident extérieur mais, en plus, les parents jugeraient nocifs ces produits pourtant fabriqués sur les attentes du public. Dans le cas du Slasher, la survivante étant l’unique personnage auquel le spectateur peut s’identifier, ce dernier revient donc de lui-même “ dans le droit chemin ”. Par cette sorte d’expiation, tout le monde peut, par conséquent, se dédouaner d’une quelconque responsabilité morale.


c) Le tueur


Dans le Slasher, l’assassin est, de manière récurrente, une personne masquée. Cet artifice, destiné par sa fonction principale à évoquer la fête, conditionne le public à émettre une distance avec la réalité diégétique. Celui qui voit le film sait donc que le spectacle proposé est hors de la réalité. On peut alors à nouveau opposer le Slasher au Psychokiller qui, lui, montre, de façon réaliste, des meurtriers à visages humains.

D’autre part ce masque permet à l’assassin de passer du stade humain à celui d’entité maléfique. La dépersonnalisation qu’effectue ce masque offre au public l’opportunité de projeter toutes ses peurs, avec en premier lieu celle de la mort, et devient donc le vecteur des angoisses spectatorielles. En temoigne le masque de Scream qui, inspiré du tableau Le Cri de Munch, a été choisi pour renvoyer l’image de la terreur des victimes en même temps que celle du public. Par conséquent, lorsque le meurtrier est enfin exterminé par l’héroine pure (symbole du combat du mal contre le bien), le public se sent, théoriquement, libéré de ses hantises (et de ces instincts éthiquements répréhensibles) et représente ainsi une redemption fictive.

Cependant l’une des caractéristiques du tueur réside dans l’origine de ses pulsions meurtrières. Que ce soit un homme brûlé par des adolescents dans Carnage (The Burning-1980) de Tony Maylan ou bien un enfant noyé en l’absence de moniteurs dans Vendredi 13, le mobile de l’assassin est toujours la vengeance. Cette notion est d’ailleurs l’unique trait psychologique du personnage, représentation cauchemardesque des erreurs et des horreurs commises par le passé.

Nous pouvons remarquer que cette mauvaise conscience s’exprime de façon rétrospective. En effet, la plupart des films débutent, dans le passé, par la vision du traumatisme subit par l’assassin. Le reste de l’oeuvre, qui nous en montre les conséquences, se déroulant au présent. Le moment de transition synthétise, pour le tueur/victime, la volonté de passer du stade passif à celui d’actif et donc de faire reconnaître, par le meurtre, les atrocités dont il a été l’objet. Nous pouvons alors rapprocher ce rappel des erreurs du passé à l’engagement des Etats-Unis dans la guerre du Vietnam. En effet, nous pouvons se souvenir que, à la fin des années 70, les conséquences de la guerre du Vietnam, sur les vétérans, commencent à se faire connaître médiatiquement avec des films comme Voyage au bout de l’enfer (The Deer Hunter-1978) de Michael Cimino, Apocalypse Now (1979) de Francis Ford Coppola ou même Rambo (First Blood-1982) de Ted Kotcheff. Réveillant la mauvaise conscience collective américaine, ces œuvres montrent aussi bien l’avant que l’après guerre, nous faisant comprendre combien le traumatisme des soldats, engendré par des combats inutiles, est une chose que l’état désire cacher et oublier. Il devient alors troublant que le Slasher explore, à la même période, le thème voisin d’une vie brisée par la violence collective ou même, explicitement, par la guerre du Vietnam comme dans Rosemary’s Killer (The Prowler-1982) de Joseph Zito où un G.I devenu fou extermine tout les jeunes. La guerre est un sérieux mobile de folie et un percutant point de départ scénaristique. Même en France, pays pourtant peu productif en film d’épouvante, ce sujet universel et intemporel a permis à Ogroff, The Mad Mutilator (1983) de N.G. Mount (Norbert Moutier) de fournir une raison à la folie du psychopathe. Le conflit du Golf a, par exemple, été aussi déjà exploitée, en 1998, de façon plus ironique dans Oncle Sam (Uncle Sam) de William Lustig. Suivant ce principe métaphorique, on peut sans peine imaginer que la mort finale du croque-mitaine revient à effacer toute trace de malaise dans l’esprit du public, cicatrisant alors les blessures de guerres.

Cependant, et comme chacun sait, le mal ne meurt jamais. Le meurtrier réouvre éternellement son œil à la dernière image comme pour signifier que rien ni personne ne pourra véritablement calmer sa soif de vengeance, et donc de reconnaissance de sa propre douleur.


Le lieu



a) La petite ville


Comme dans Halloween, le tueur peut sévir dans une petite bourgade où tout, à première vue, respire la tranquilité. C’est justement par ce sentiment de calme et de sécurité que le cinéaste réussit à nous interpeller. En effet, si l’action se déroulait dans une grande métropole telle New-York ou Los Angeles, les habitants seraient méfiants vis à vis de l’extérieur et auraient donc un mode de vie beaucoup plus rigide qu’ailleurs, rendant la présence du tueur forcément prévisible. La ville sera donc plus judicieusement choisie pour les films de Psycho-killer où l’environnement urbain crée une terreur permanente dans des lieux tels le métro, les parkings,...

En faisant se dérouler, le slasher dans une petite ville, le réalisateur peut jouer sur l’effet de surprise que donne l’irruption du tueur où personne ne l’attend. Par exemple, dans Scream de Wes Craven, le meurtre de Drew Barrymore bouleverse tout le monde car le crime est un méfait totalement inhabituel dans la vie des citoyens de Woodsboro. De plus, cette tranquilité apparente justifie la méfiance des citoyens lorsque quelqu’un tente de les prévenir. Dans la serie Halloween, le Docteur Loomis, joué par Donald Pleasence, prévient la police de l’arrivée de Michael Myers ; cependant le sherif ne le croira que lors de la découverte du corps de sa propre fille. Nous voyons donc que la notion d’insécurité reste très abstraite dans ce genre de communauté et rend d’autant plus inquiétant et imprévisible l’élément dangereux, car personne n’y a été préparé.


b) La forêt


Depuis l’existence des contes, la forêt à toujours véhiculé bon nombre d’interprétations lors de son utilisation à des fins fictionnelles. Souvent pensés et analysés comme passage initiatique, les bois sont, dans le slasher, un lieu de prédilection pour installer la peur.

Dans un premier temps, la forêt est, comme dans la série des Vendredi 13, un endroit de détente puisque les adolescents et les moniteurs vivent dans une colonie de vacances. Tout comme dans la petite ville, l’insouciance des dangers des métropoles règne. Cependant, la forêt ajoute un sentiment d’isolement que les lotissements, chers à John Carpenter, ne retranscrivent pas. Coupé du monde extérieur, le camp d’été devient un moyen de reconstruire un microcosme de la vie citadine mais sans ses contraintes (surveillance, comportements responsables,...). Ainsi, la nature pousse les humains à revenir à des comportements plus primaires qui privilégient leurs instincts à leurs raisons sociales, enfin oubliées. Les protagonistes, ne vivant alors que pour la détente (par le sexe, la nourriture et le repos), exposant les caractéristiques répréhensibles qui les transforment en victimes potentielles.

Cependant l’aspect initiatique n’est pas éludé, car lorsque la survivante est poursuivie par le tueur, elle s’enfuit immanquablement dans la forêt pour chercher refuge dans la pénombre. En premier lieu cachette idéale, les bois deviennent, par la suite, la manifestation de nos peurs enfantines, nous rappelant les moments où nous avons vu, tout en s’égarant dans ces immensités verdoyantes, une forme indicible et terrifiante bouger derrière un buisson. Sans être un slasher, Le Project Blair Witch (The Blair Witch Project-1999) de Eduardo Sanchez et Daniel Myrick n’a fait qu’exploiter jusqu’au bout ces terreurs primales. La forêt devient, par cette nouvelle attribution, le moyen direct de se confronter à ces dernières. Lorsque l’héroine tue le monstre, elle renonce à son enfance et accède enfin à l’âge adulte. L’ambiguïté du slasher réside alors dans son final ou la survivante a effectivement changé mentalement puisqu’elle est traumatisée. En cela, cette catégorie de films propose une singulière image du mûrissement qui ne devrait pas inciter beaucoup de jeunes spectateurs à se confronter à ses hantises.


c) L’université


Les facultés ont l’avantage de cibler de manière directe le public jeune tant convoité par les studios. Les spectateurs savent à l’avance qu’ils n’auront aucun mal à s’identifier aux protagonistes puisque, dans la réalité comme dans la fiction, les jeunes ont les mêmes préoccupations sociales et scolaires.

A la différence de la forêt, le campus offre la possibilité de montrer les étudiants entre eux au moment où ils s’orientent universitairement dans la vie. Le réalisateur peut ainsi analyser le comportement du groupe face à l’individu et réciproquement. Dans Scream 2 (1998), Wes Craven montre très bien le fanatisme qu’exerce les cercles estudiantins sur ceux qui y participent, le jeune héros étant bizuté pour avoir donné ses lettres de reconnaissance à sa petite amie, étrangère au groupe. Cette manière de dépeindre les bases sociales renvoie implicitement au désir des adolescents de devenir des adultes en s’intégrant à un groupe, choisi, qui correspond à leurs affinités respectives.

Le tueur matérialisera donc l’élément externe qui tentera de perturber, pour un retour à l’anarchie, ces commencements de vies sociales organisées.


On peut noter que le campus est moins le lieu de prédilection des psychopathes rancuniers que des assassins puritains. Entre le curé meurtrier du Bal de l’horreur 4: Delivrez nous du mal (Prom Night 4-1991) de Clay Boris ou bien le proviseur fou du Sadique à la tronçonneuse (Pieces-1982-Espagne/USA) de Juan Piquer Simon, les étudiants qui préfèrent assouvir leurs envies (sexuelles, festives,...) au travail deviendront des proies idéales. Le slasher reste donc encore le genre où le conservatisme prône, de façon subliminale, une morale que les jeunes spectateurs seront sensés comprendre intuitivement et suivre.

Le Slasher est donc un sous genre où tout les lieux symboliques de l’American Way of Life sont présents. L’américain moyen semble être la cible préférée du tueur et des producteurs. En exploitant les décors des petites villes, des camps de vacances et des campus, les scénaristes ne font en fait que reconstituer les étapes significatives de la vie des adolescents: dans un premier temps, comme lycéens (premier émois) puis moniteur (premier travail) et enfin étudiant (premières responsabilités sociales). Le Slasher servira alors de voie morale à suivre, par élimination (des personnages), pour le jeune spectateur.


Le meurtre



a) outil


Dans tout slasher de qualité, le meurtre se doit d’être original. Plus qu’une fonction véritablement scénaristique, il s’agit de ne pas lasser le spectateur. Le slasher est un sous-genre extrêmement répétitif dans ses intrigues, sa narration, ses personnages et sa mise en scène. Par conséquent, l’un des rares moyens de marquer les esprits est de proposer des assassinats encore jamais vus. Substituant l’arme blanche, tel un couteau qui ajoute pourtant une dimension phallique, l’objet du délit doit être graphique. Les étranglements sont donc proscrits. Il faut que le sang coule. Etrangement, comme pour continuer de revisiter l’American Way of Life, le tueur utilise de multiples outils très familiers: la tondeuse à gazon, le tournevis, le tire bouchon, le sécateur, le pistolet à clou, un robinet et même des crayons, enfoncés par le nez jusqu’au cerveau, dans l’insolite Meurtres aux crayons (1982-Belgique) de Guy Lee Thys. Le sens premier de l’objet enfin détourné, le public peut prendre au second degré toutes ses atrocités qui, de films en films, deviennent sensiblement surréalistes. Cet aspect de dédramatisation est primordiale pour que le public ait vraiment l’impression d’assister à un divertissement et non à un film réaliste à la manière des psychokillers.


b) La mise en scène


Les séquences de meurtre constituent les morceaux de bravoure du film, les seuls points d’intérêt. Leur construction est des plus simple.

Les étudiants sont rassemblés dans un lieu précis (une fête, un camp,...), l’un d’eux s’en écarte pour une raison complètement anodine (aller cherche du bois ou prendre un bain de minuit) et, lorsqu’il est seul, il entend du bruit. La mise en scène, alternant plan général du lieu et plan subjectif du tueur sur sa proie, prend bien soin de montrer la peur s’installer sur le visage du comédien. Une musique stridente, souvent jouée par des violons (comme celle du à Harry Manfredini dans les Vendredi 13) évoquant le trachant d’une scie, achève d’installer l’atmosphère menaçante.

Le réalisateur choisi alors de nous faire sursauter méthodiquement une première fois à l’aide d’un élément de surprise inoffensif, tel un chat ou un oiseau, qui rassurera le public et le personnage. Ce dernier se retourne pour s’en aller et, enfin, se fait tuer sauvagement. En règle générale, un gros plan de l’arme venant s’enfoncer dans la chair vient surprendre le public avant qu’un plan moyen nous montre la victime crier et tomber. Ce dernier type de montage peut sensiblement varier par sa durée et son aspect démonstratif selon si la censure a été plus ou moins indulgente. Par exemple, Meurtres à la St Valentin (My Bloody Valentine-1982-Canada) de George Mihalka ou Vendredi 13-chapitre 7: Un nouveau défi (Friday The 13th-part 7:The New Blood-1988) de John Carl Buechler, font partie de ses nombreuses oeuvres qui furent amputées, par la M.P.A.A. ou même leur propre producteur, de leurs principaux effets gores réduisant alors considérablement leurs impacts visuels auprès d’un public, jugé abusivement sensible, qui en était pourtant demandeur.


c) le corps


L’intérieur du corps humain révulse la plupart des gens. Les réalisateurs se servent donc de cette crainte de l’introspection, au sens propre, pour construire leurs scènes de crime. Par exemple, dans Vendredi 13 N°3:Meurtres en trois dimensions (Friday The 13th-part 3-1982) de Steve Miner, un adolescent se fait broyer le crâne jusqu’à ce qu’un oeil surgisse de l’orbite. La mise en scène et le filmage en relief accentuent, par un plan de face, la violence de l’acte, mettant ainsi face à face, l’écran faisant office de miroir, le spectateur avec son reflet cinématographique qui, littéralement, projette son regard vers sa source. C’est donc par cette assimilation entre le corps du spectateur et celui du personnage auquel il s’identifie que le slasher réussit à toucher la sensibilité du public durant la sequence du crime.

Une autre des principales caractéristiques du meurtre d’un slasher est sa brutalité. C’est dans cette intention que l’arme blanche permet d’amener une intensité lors du corps à corps fatal que l’arme à feu ne restitue pas. Le crime devient alors une sorte de rituel sauvage où le tueur prend la vie directement dans la victime. Il ne s’agit en fait que d’une transposition primaire des pulsions meurtrières et, peut-être, sadomasochistes de nos instincts. La proie doit souffrir avant de mourir, offrant à celui qui tue un sentiment de puissance et de domination. A cet instant crucial, le criminel semble remplacer Dieu par son pouvoir de vie et de mort sur son prochain. Le corps n’est alors que le symbole de l’homme dans tous ses défauts. Par ce biais, nous voyons que nous rejoignons l’aspect moralisateur et un peu réactionnaire déja évoqué ulterieurement.

En conclusion, nous pouvons constater que le Slasher a bien une vie et une apparence propre. Parmi toutes les catégories que le film d’horreur représente, elle sans aucun doute celle qui a été le plus ouvertement attaquée et critiquée pour son apparente absence d’imagination et de qualité scénaristique. Pourtant, c’est dans cette incapacité à véritablement se renouveler que ce sous-genre puise son point d’intérêt. En effet, les principes de construction narratif de ce dernier restant immuablement les mêmes, nous nous apercevront que tous les éléments du scénario cherchent à guider le spectateur vers une conclusion ideologiquement puritaine. Des lieux, forcement familiers au jeune public, aux personnages, tués pour mauvaise conduite, le slasher est un cinéma moralisateur en même tant que profondement moderne par son approche du féminisme.

Nous pouvons d’ailleurs voir dans cette ultime notion la résurgence, thématique, des contes tel que le petit chaperon rouge où une petite fille luttait contre un loup ayant tué sa grand-mère. Les Slashers seraient donc une nouvelle forme de ces histoires qui, malgré leur important sens distractif, donnaient à l’enfant attentif des clefs indispensables sur les codes moraux et relationnels a adopter en société. Par cette fictionnalisation de nos peurs enfantines et le contexte moderne que ces films empruntent, le spectateur peut continuer a se laisser happer par une peur inoffensive car à l’issu nécessairement heureuse.

Le Slasher est intéressant par se tiraillement perpétuelle entre valeurs conservatrices (expiations des péchés par la souffrance, pureté salvatrice,...) et idéaux novateurs.

Enfin, il semblerait qu’avec Scream, les limites du genre apparaissent enfin au grand jour pour être pervertis: l’héroine couche avec un des tueurs, la première victime est une jeune fille semble-t-il irréprochable, le proviseur (donc l’autorité) est assassiné,...Une fois ces règles mises à nues, le slasher se retrouve dépossédé de ses atouts et peut alors disparaître en paix.

Cependant, ne peut-on pas penser que, à l’instar du film Le Phare (The Lighthouse-1999-Grande Bretagne) de Simon Hunter où un fou pourchasse des détenus sur une île déserte, l’unique moyen de ressusciter le tueur est que le Slasher s’oriente vers une exploitation d’un univers adulte et permette, alors, au meurtrier de rouvrir l’oeil sur un monde évolutif nouveau ?

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