Le Slasher ou les fils dHalloween
En 1978, alors que les studios hollywoodiens cherchent un moyen de produire des sujets semblables au film événement de lannée précédente, La Guerre des étoiles (Star Wars) de George Lucas, la Warner Bros distribue discrètement un petit film indépendant du nom de Halloween (en France, La Nuit des masques). Ni les cadres du studio ni le jeune réalisateur John Carpenter nauraient pu prévoir que ce long métrage dhorreur deviendrait, pour quelques années, le film le plus rentable de lhistoire du cinéma.
A lorigine de ce projet, les producteurs aident un nouveau cinéaste au talent prometteur qui, avec son premier film Dark Star (1974) mais surtout avec son second Assaut (Assault on Precinct 13- 1977), a réussit à sattirer lattention des professionnels en dépit de celle du public. Le désir de ce metteur en scène nest, ni plus ni moins, que de provoquer à nouveau un sentiment profond de peur dans les salles obscures. Pourtant le sujet est des plus mince: un tueur séchappe de lasile où il avait été enfermé quinze ans plutôt pour le meurtre de sa sur. Le soir dHalloween, il revient sur les lieux du crime pour recommencer à assouvir ses pulsions meurtrières.
Le succès immédiat du film lance définitivement la carrière de John Carpenter (qui se spécialisera dans le genre cinématographique de lépouvante). De plus, Halloween prouve aux producteurs que la série B horrifique, à petit budget, peut savérer une affaire financièrement très intéressante.
Etrangement, ce nest quen 1980 que Sean S.Cunnigham, producteur (du premier long métrage de Wes Craven, en 1972, La Dernière maison sur la gauche/ The Last House on the Left) et réalisateur, sort sur les écrans, à nouveau distribué par la Warner Bros, le désormais classique Vendredi 13 (Friday the 13th). Le succès est immédiat. Une nouvelle catégorie cinématographique vient dêtre créée: le Slasher (littéralement tailladé ). Il est cependant primordiale de distinguer le slasher du psycho-killer. On na souvent rapproché ces deux types de film dhorreur pour dévidentes similitudes esthétiques (meurtres sanglants, victimes jeunes et de préférence féminines, tueur impitoyable, ...)et non narrative, le point de vue du premier étant celui des proies alors que celui du second nous plonge plus subjectivement dans lunivers de lassassin. Nous pouvons trouver dans la deuxième catégorie de véritables portraits de tueurs et des uvres passionnantes, dans leur approche clinique, comme dans The Driller Killer (1979) dAbel Ferrara, Maniac (1980) de William Lustig ou bien encore Schizophrenia (Angst/Fear-1983-Autriche) de Gerald Karlg. Ici, il sagit donc de nous faire pénétrer davantage dans les méandres torturés de lassassin que de nous montrer un simple jeu de massacre.
Grâce à Halloween et à Vendredi 13, le Slasher peut enfin se construire des principes immuables que les scénaristes, volontairement peu inspirés, reproduiront tel un cahier des charges faisant office de clefs du succès. En effet, le Slasher est une catégorie de film qui est susceptible dêtre réalisée à un moindre coût pour une rentabilité quasi assurée. Proche du théâtre par son respect de la règle des trois unités, le sujet est généralement simple ( un tueur massacre des jeunes jusquà la fin du film où le dernier survivant réussit à arrêter le responsable du carnage), le lieu souvent unique (une forêt, une université,...) et le temps intradiegétique très court (une journée ou deux). Tout ces ingrédients permettent des tournages rapides, avec des équipes réduites et, par conséquent, des budgets légers. Les personnages nexistent que pour être tués et ne représentent donc que des silhouettes impersonnelles. La réalisation ninnove que très rarement; seule en fait compte une chose pour le public: les meurtres. Sur ce point, nous pouvons reconnaître les slashers de qualité à leur volonté doffrir au spectateur des meurtres originaux (à larme blanche ou objet sen rapprochant) accompagnés deffets sanglants de très bonne facture. Ces derniers constituent les moments forts du long-métrage où les intermèdes dialogués, des plus banaux et dénués de tout suspense, ne constituer que le lien entre les scènes dactions . En fait, cest par la présence dune menace constante que Halloween reste le modèle du genre insurpassé. Par une mise en scène suivant avec une steadycam les déplacements des personnages, tout en les montrant observés par le tueur (en vue subjective), John Carpenter réussit à créer un ambiance lourde et vénéneuse dont les autres slashers sont, en général, totalement dépourvus. Dailleurs, on peut constater que la structure narrative dHalloween ne privilégie en aucun cas les meurtres, les coups de couteau mortels étant hors champs. La Nuit des masques nest pas un film sanglant. En ôtant les séquences de meurtres, linterêt du film serait toujours présent dans les séquences minimalistes où le tueur rode.
A part entière dans le genre cinématographique de lhorreur, le Slasher à donc ses constantes. A laide des plus marquantes, comme le choix des lieux ou la nature des différents protagonistes, nous tenterons danalyser, en allant à lessentiel, ce phénomène que Wes Craven, en 1997, a reussit à faire renaître des ses cendres, à laide de Scream.
Les Personnages
a) les victimes
Le Slasher étant un genre de film prédestiné, en priorité, aux jeunes et, en particulier, aux adolescents, la majorité des personnages sont des étudiants qui se réunissent dans un lieu pour travailler ou pour faire la fête. Le procédé didentification est donc on ne peut plus évident dans la mesure ou le public sera lui aussi composé, de manière générale, de groupes de jeunes.
La composition du clan sera, elle aussi, fidèlement (mais caricaturalement) reproduite. Afin de ne laisser aucun type de caractère dans lombre, les scénaristes ont rassemblé des personnages récurrents dont chacun évoque une personnalité très précise et ciblée. Nous les appelons et les reconnaissons donc par leurs traits distinctifs plutôt que par leurs prénoms. Nous trouvons communément le coureur de jupon, le blagueur, lobèse, la nymphomane, le drogué, le voyou , parfois le surdoué et surtout la prude timide . Hormis la dernière, dans laquelle aucun nose se reconnaître, les spectateurs sidentifient aux autres personnages comme pour nier, même de manière illusoire et temporaire, les convenances morales que leur impose la vie, la loi et surtout leurs parents. Car dans le Slasher, lautorité parentale est absente. A quelques exceptions près, les films montrent les jeunes entre eux, coupés du monde, comme dans un cinéma, et donc apparemment libres de faire ce quils veulent. Les spectateurs projettent enfin leurs fantasmes au grand jour. Ils révèlent, pour une acceptation par le monde fictionnel, leurs vices cachés ou désirés. Le film devient en somme un lieu de défoulement.
Cependant le Slasher étant un genre crée, à la base, par des adultes, les caractéristiques libérales des protagonistes ne sont quune illusion. En effet, tout ceux qui commettent un affront aux yeux de lAmérique puritaine, sont les victimes désignées du tueur. Leur démarche profondément politiquement incorrect (ils fument, font lamour, boivent,...) les rend donc nuisibles au regard de la société. Le spectateur devra donc, une fois tous ces décadents disparus, se rattacher obligatoirement à lunique personnage restant, celui qui na fait aucune mauvaise action.
b) Le survivant.
Singulièrement, alors que le Slasher est un sous-genre très puritain et emprunt dun fort sentiment de conservatisme, le survivant bien que prude et sérieux est souvent une femme. Halloween et Vendredi 13 lancèrent en effet cette mode dhéroine transformant le film dhorreur, jusquà là profondément machiste (le héros sauvant la femme apeurée des griffes du monstre), en oeuvre cinématographique travaillant pour le féminisme. Cest probablement cette notion moderne, définitivement révélée dans les années 70, qui attira la partie féminine du public dans les salles obscures projetant des des film dhorreur qui, jusquici, ignoraient totalement ce type de spectateur et qui, pour cette raison, perdait un pourcentage non négligeable dargent.
Pour les studios, il est très important que la survivante soit irréprochable moralement. En effet, si par malheur, un film montrait un jeune voyou sen sortir impunément, non seulement la responsabilité des auteurs serait prise en compte au moindre incident extérieur mais, en plus, les parents jugeraient nocifs ces produits pourtant fabriqués sur les attentes du public. Dans le cas du Slasher, la survivante étant lunique personnage auquel le spectateur peut sidentifier, ce dernier revient donc de lui-même dans le droit chemin . Par cette sorte dexpiation, tout le monde peut, par conséquent, se dédouaner dune quelconque responsabilité morale.
c) Le tueur
Dans le Slasher, lassassin est, de manière récurrente, une personne masquée. Cet artifice, destiné par sa fonction principale à évoquer la fête, conditionne le public à émettre une distance avec la réalité diégétique. Celui qui voit le film sait donc que le spectacle proposé est hors de la réalité. On peut alors à nouveau opposer le Slasher au Psychokiller qui, lui, montre, de façon réaliste, des meurtriers à visages humains.
Dautre part ce masque permet à lassassin de passer du stade humain à celui dentité maléfique. La dépersonnalisation queffectue ce masque offre au public lopportunité de projeter toutes ses peurs, avec en premier lieu celle de la mort, et devient donc le vecteur des angoisses spectatorielles. En temoigne le masque de Scream qui, inspiré du tableau Le Cri de Munch, a été choisi pour renvoyer limage de la terreur des victimes en même temps que celle du public. Par conséquent, lorsque le meurtrier est enfin exterminé par lhéroine pure (symbole du combat du mal contre le bien), le public se sent, théoriquement, libéré de ses hantises (et de ces instincts éthiquements répréhensibles) et représente ainsi une redemption fictive.
Cependant lune des caractéristiques du tueur réside dans lorigine de ses pulsions meurtrières. Que ce soit un homme brûlé par des adolescents dans Carnage (The Burning-1980) de Tony Maylan ou bien un enfant noyé en labsence de moniteurs dans Vendredi 13, le mobile de lassassin est toujours la vengeance. Cette notion est dailleurs lunique trait psychologique du personnage, représentation cauchemardesque des erreurs et des horreurs commises par le passé.
Nous pouvons remarquer que cette mauvaise conscience sexprime de façon rétrospective. En effet, la plupart des films débutent, dans le passé, par la vision du traumatisme subit par lassassin. Le reste de loeuvre, qui nous en montre les conséquences, se déroulant au présent. Le moment de transition synthétise, pour le tueur/victime, la volonté de passer du stade passif à celui dactif et donc de faire reconnaître, par le meurtre, les atrocités dont il a été lobjet. Nous pouvons alors rapprocher ce rappel des erreurs du passé à lengagement des Etats-Unis dans la guerre du Vietnam. En effet, nous pouvons se souvenir que, à la fin des années 70, les conséquences de la guerre du Vietnam, sur les vétérans, commencent à se faire connaître médiatiquement avec des films comme Voyage au bout de lenfer (The Deer Hunter-1978) de Michael Cimino, Apocalypse Now (1979) de Francis Ford Coppola ou même Rambo (First Blood-1982) de Ted Kotcheff. Réveillant la mauvaise conscience collective américaine, ces uvres montrent aussi bien lavant que laprès guerre, nous faisant comprendre combien le traumatisme des soldats, engendré par des combats inutiles, est une chose que létat désire cacher et oublier. Il devient alors troublant que le Slasher explore, à la même période, le thème voisin dune vie brisée par la violence collective ou même, explicitement, par la guerre du Vietnam comme dans Rosemarys Killer (The Prowler-1982) de Joseph Zito où un G.I devenu fou extermine tout les jeunes. La guerre est un sérieux mobile de folie et un percutant point de départ scénaristique. Même en France, pays pourtant peu productif en film dépouvante, ce sujet universel et intemporel a permis à Ogroff, The Mad Mutilator (1983) de N.G. Mount (Norbert Moutier) de fournir une raison à la folie du psychopathe. Le conflit du Golf a, par exemple, été aussi déjà exploitée, en 1998, de façon plus ironique dans Oncle Sam (Uncle Sam) de William Lustig. Suivant ce principe métaphorique, on peut sans peine imaginer que la mort finale du croque-mitaine revient à effacer toute trace de malaise dans lesprit du public, cicatrisant alors les blessures de guerres.
Cependant, et comme chacun sait, le mal ne meurt jamais. Le meurtrier réouvre éternellement son il à la dernière image comme pour signifier que rien ni personne ne pourra véritablement calmer sa soif de vengeance, et donc de reconnaissance de sa propre douleur.
Le lieu
a) La petite ville
Comme dans Halloween, le tueur peut sévir dans une petite bourgade où tout, à première vue, respire la tranquilité. Cest justement par ce sentiment de calme et de sécurité que le cinéaste réussit à nous interpeller. En effet, si laction se déroulait dans une grande métropole telle New-York ou Los Angeles, les habitants seraient méfiants vis à vis de lextérieur et auraient donc un mode de vie beaucoup plus rigide quailleurs, rendant la présence du tueur forcément prévisible. La ville sera donc plus judicieusement choisie pour les films de Psycho-killer où lenvironnement urbain crée une terreur permanente dans des lieux tels le métro, les parkings,...
En faisant se dérouler, le slasher dans une petite ville, le réalisateur peut jouer sur leffet de surprise que donne lirruption du tueur où personne ne lattend. Par exemple, dans Scream de Wes Craven, le meurtre de Drew Barrymore bouleverse tout le monde car le crime est un méfait totalement inhabituel dans la vie des citoyens de Woodsboro. De plus, cette tranquilité apparente justifie la méfiance des citoyens lorsque quelquun tente de les prévenir. Dans la serie Halloween, le Docteur Loomis, joué par Donald Pleasence, prévient la police de larrivée de Michael Myers ; cependant le sherif ne le croira que lors de la découverte du corps de sa propre fille. Nous voyons donc que la notion dinsécurité reste très abstraite dans ce genre de communauté et rend dautant plus inquiétant et imprévisible lélément dangereux, car personne ny a été préparé.
b) La forêt
Depuis lexistence des contes, la forêt à toujours véhiculé bon nombre dinterprétations lors de son utilisation à des fins fictionnelles. Souvent pensés et analysés comme passage initiatique, les bois sont, dans le slasher, un lieu de prédilection pour installer la peur.
Dans un premier temps, la forêt est, comme dans la série des Vendredi 13, un endroit de détente puisque les adolescents et les moniteurs vivent dans une colonie de vacances. Tout comme dans la petite ville, linsouciance des dangers des métropoles règne. Cependant, la forêt ajoute un sentiment disolement que les lotissements, chers à John Carpenter, ne retranscrivent pas. Coupé du monde extérieur, le camp dété devient un moyen de reconstruire un microcosme de la vie citadine mais sans ses contraintes (surveillance, comportements responsables,...). Ainsi, la nature pousse les humains à revenir à des comportements plus primaires qui privilégient leurs instincts à leurs raisons sociales, enfin oubliées. Les protagonistes, ne vivant alors que pour la détente (par le sexe, la nourriture et le repos), exposant les caractéristiques répréhensibles qui les transforment en victimes potentielles.
Cependant laspect initiatique nest pas éludé, car lorsque la survivante est poursuivie par le tueur, elle senfuit immanquablement dans la forêt pour chercher refuge dans la pénombre. En premier lieu cachette idéale, les bois deviennent, par la suite, la manifestation de nos peurs enfantines, nous rappelant les moments où nous avons vu, tout en ségarant dans ces immensités verdoyantes, une forme indicible et terrifiante bouger derrière un buisson. Sans être un slasher, Le Project Blair Witch (The Blair Witch Project-1999) de Eduardo Sanchez et Daniel Myrick na fait quexploiter jusquau bout ces terreurs primales. La forêt devient, par cette nouvelle attribution, le moyen direct de se confronter à ces dernières. Lorsque lhéroine tue le monstre, elle renonce à son enfance et accède enfin à lâge adulte. Lambiguïté du slasher réside alors dans son final ou la survivante a effectivement changé mentalement puisquelle est traumatisée. En cela, cette catégorie de films propose une singulière image du mûrissement qui ne devrait pas inciter beaucoup de jeunes spectateurs à se confronter à ses hantises.
c) Luniversité
Les facultés ont lavantage de cibler de manière directe le public jeune tant convoité par les studios. Les spectateurs savent à lavance quils nauront aucun mal à sidentifier aux protagonistes puisque, dans la réalité comme dans la fiction, les jeunes ont les mêmes préoccupations sociales et scolaires.
A la différence de la forêt, le campus offre la possibilité de montrer les étudiants entre eux au moment où ils sorientent universitairement dans la vie. Le réalisateur peut ainsi analyser le comportement du groupe face à lindividu et réciproquement. Dans Scream 2 (1998), Wes Craven montre très bien le fanatisme quexerce les cercles estudiantins sur ceux qui y participent, le jeune héros étant bizuté pour avoir donné ses lettres de reconnaissance à sa petite amie, étrangère au groupe. Cette manière de dépeindre les bases sociales renvoie implicitement au désir des adolescents de devenir des adultes en sintégrant à un groupe, choisi, qui correspond à leurs affinités respectives.
Le tueur matérialisera donc lélément externe qui tentera de perturber, pour un retour à lanarchie, ces commencements de vies sociales organisées.
On peut noter que le campus est moins le lieu de prédilection des psychopathes rancuniers que des assassins puritains. Entre le curé meurtrier du Bal de lhorreur 4: Delivrez nous du mal (Prom Night 4-1991) de Clay Boris ou bien le proviseur fou du Sadique à la tronçonneuse (Pieces-1982-Espagne/USA) de Juan Piquer Simon, les étudiants qui préfèrent assouvir leurs envies (sexuelles, festives,...) au travail deviendront des proies idéales. Le slasher reste donc encore le genre où le conservatisme prône, de façon subliminale, une morale que les jeunes spectateurs seront sensés comprendre intuitivement et suivre.
Le Slasher est donc un sous genre où tout les lieux symboliques de lAmerican Way of Life sont présents. Laméricain moyen semble être la cible préférée du tueur et des producteurs. En exploitant les décors des petites villes, des camps de vacances et des campus, les scénaristes ne font en fait que reconstituer les étapes significatives de la vie des adolescents: dans un premier temps, comme lycéens (premier émois) puis moniteur (premier travail) et enfin étudiant (premières responsabilités sociales). Le Slasher servira alors de voie morale à suivre, par élimination (des personnages), pour le jeune spectateur.
Le meurtre
a) outil
Dans tout slasher de qualité, le meurtre se doit dêtre original. Plus quune fonction véritablement scénaristique, il sagit de ne pas lasser le spectateur. Le slasher est un sous-genre extrêmement répétitif dans ses intrigues, sa narration, ses personnages et sa mise en scène. Par conséquent, lun des rares moyens de marquer les esprits est de proposer des assassinats encore jamais vus. Substituant larme blanche, tel un couteau qui ajoute pourtant une dimension phallique, lobjet du délit doit être graphique. Les étranglements sont donc proscrits. Il faut que le sang coule. Etrangement, comme pour continuer de revisiter lAmerican Way of Life, le tueur utilise de multiples outils très familiers: la tondeuse à gazon, le tournevis, le tire bouchon, le sécateur, le pistolet à clou, un robinet et même des crayons, enfoncés par le nez jusquau cerveau, dans linsolite Meurtres aux crayons (1982-Belgique) de Guy Lee Thys. Le sens premier de lobjet enfin détourné, le public peut prendre au second degré toutes ses atrocités qui, de films en films, deviennent sensiblement surréalistes. Cet aspect de dédramatisation est primordiale pour que le public ait vraiment limpression dassister à un divertissement et non à un film réaliste à la manière des psychokillers.
b) La mise en scène
Les séquences de meurtre constituent les morceaux de bravoure du film, les seuls points dintérêt. Leur construction est des plus simple.
Les étudiants sont rassemblés dans un lieu précis (une fête, un camp,...), lun deux sen écarte pour une raison complètement anodine (aller cherche du bois ou prendre un bain de minuit) et, lorsquil est seul, il entend du bruit. La mise en scène, alternant plan général du lieu et plan subjectif du tueur sur sa proie, prend bien soin de montrer la peur sinstaller sur le visage du comédien. Une musique stridente, souvent jouée par des violons (comme celle du à Harry Manfredini dans les Vendredi 13) évoquant le trachant dune scie, achève dinstaller latmosphère menaçante.
Le réalisateur choisi alors de nous faire sursauter méthodiquement une première fois à laide dun élément de surprise inoffensif, tel un chat ou un oiseau, qui rassurera le public et le personnage. Ce dernier se retourne pour sen aller et, enfin, se fait tuer sauvagement. En règle générale, un gros plan de larme venant senfoncer dans la chair vient surprendre le public avant quun plan moyen nous montre la victime crier et tomber. Ce dernier type de montage peut sensiblement varier par sa durée et son aspect démonstratif selon si la censure a été plus ou moins indulgente. Par exemple, Meurtres à la St Valentin (My Bloody Valentine-1982-Canada) de George Mihalka ou Vendredi 13-chapitre 7: Un nouveau défi (Friday The 13th-part 7:The New Blood-1988) de John Carl Buechler, font partie de ses nombreuses oeuvres qui furent amputées, par la M.P.A.A. ou même leur propre producteur, de leurs principaux effets gores réduisant alors considérablement leurs impacts visuels auprès dun public, jugé abusivement sensible, qui en était pourtant demandeur.
c) le corps
Lintérieur du corps humain révulse la plupart des gens. Les réalisateurs se servent donc de cette crainte de lintrospection, au sens propre, pour construire leurs scènes de crime. Par exemple, dans Vendredi 13 N°3:Meurtres en trois dimensions (Friday The 13th-part 3-1982) de Steve Miner, un adolescent se fait broyer le crâne jusquà ce quun oeil surgisse de lorbite. La mise en scène et le filmage en relief accentuent, par un plan de face, la violence de lacte, mettant ainsi face à face, lécran faisant office de miroir, le spectateur avec son reflet cinématographique qui, littéralement, projette son regard vers sa source. Cest donc par cette assimilation entre le corps du spectateur et celui du personnage auquel il sidentifie que le slasher réussit à toucher la sensibilité du public durant la sequence du crime.
Une autre des principales caractéristiques du meurtre dun slasher est sa brutalité. Cest dans cette intention que larme blanche permet damener une intensité lors du corps à corps fatal que larme à feu ne restitue pas. Le crime devient alors une sorte de rituel sauvage où le tueur prend la vie directement dans la victime. Il ne sagit en fait que dune transposition primaire des pulsions meurtrières et, peut-être, sadomasochistes de nos instincts. La proie doit souffrir avant de mourir, offrant à celui qui tue un sentiment de puissance et de domination. A cet instant crucial, le criminel semble remplacer Dieu par son pouvoir de vie et de mort sur son prochain. Le corps nest alors que le symbole de lhomme dans tous ses défauts. Par ce biais, nous voyons que nous rejoignons laspect moralisateur et un peu réactionnaire déja évoqué ulterieurement.
En conclusion, nous pouvons constater que le Slasher a bien une vie et une apparence propre. Parmi toutes les catégories que le film dhorreur représente, elle sans aucun doute celle qui a été le plus ouvertement attaquée et critiquée pour son apparente absence dimagination et de qualité scénaristique. Pourtant, cest dans cette incapacité à véritablement se renouveler que ce sous-genre puise son point dintérêt. En effet, les principes de construction narratif de ce dernier restant immuablement les mêmes, nous nous apercevront que tous les éléments du scénario cherchent à guider le spectateur vers une conclusion ideologiquement puritaine. Des lieux, forcement familiers au jeune public, aux personnages, tués pour mauvaise conduite, le slasher est un cinéma moralisateur en même tant que profondement moderne par son approche du féminisme.
Nous pouvons dailleurs voir dans cette ultime notion la résurgence, thématique, des contes tel que le petit chaperon rouge où une petite fille luttait contre un loup ayant tué sa grand-mère. Les Slashers seraient donc une nouvelle forme de ces histoires qui, malgré leur important sens distractif, donnaient à lenfant attentif des clefs indispensables sur les codes moraux et relationnels a adopter en société. Par cette fictionnalisation de nos peurs enfantines et le contexte moderne que ces films empruntent, le spectateur peut continuer a se laisser happer par une peur inoffensive car à lissu nécessairement heureuse.
Le Slasher est intéressant par se tiraillement perpétuelle entre valeurs conservatrices (expiations des péchés par la souffrance, pureté salvatrice,...) et idéaux novateurs.
Enfin, il semblerait quavec Scream, les limites du genre apparaissent enfin au grand jour pour être pervertis: lhéroine couche avec un des tueurs, la première victime est une jeune fille semble-t-il irréprochable, le proviseur (donc lautorité) est assassiné,...Une fois ces règles mises à nues, le slasher se retrouve dépossédé de ses atouts et peut alors disparaître en paix.
Cependant, ne peut-on pas penser que, à linstar du film Le Phare (The Lighthouse-1999-Grande Bretagne) de Simon Hunter où un fou pourchasse des détenus sur une île déserte, lunique moyen de ressusciter le tueur est que le Slasher soriente vers une exploitation dun univers adulte et permette, alors, au meurtrier de rouvrir loeil sur un monde évolutif nouveau ?