REQUIEM FOR A DREAM
de Clint Mansell et The Kronos Quartet
(Nonesuch)
Clint Mansell a beau avoir
bossé avec les Red Hot Chili Peppers, il n’en est pas moins un artiste majeur
comme le prouve cette bande originale. Il faut dire que c’est la seconde fois en
deux films (un sans faute donc) qu’il collabore avec le surdoué Darren
Aronofski. Déjà, pour PI (=3,14...), ses compositions technoïdes arrivait à
nous faire ressentir le profond malaise du personnage principal en nous foutant
un migraine carabinée. Cependant, le cas « Requiem for a Dream »
pouvait poser problème. En effet, comment arriver à mélanger l’univers
délibérément jeunes (Techno) avec une narration directement fondée sur celle
des tragédies. C’est à ce moment là que le Kronos Quartet entre en jeu. Ayant
travaillé avec des compositeurs contemporains minimalistes (mais plus
classiques que Mansell) comme Philip Glass, il apporte une réelle dramaturgie à
un album qui serait, sans lui, seulement froid. Car, en écoutant cette B.O, on
a tout d’abord l’impression d’être, au mieux, dans une salle d’opération, au
pire, dans une morgue. Ce premier aspect correspond à merveille au travail
formellement clinique d’Aronofsky. Et c’est là que les violons du Kronos
arrivent, à point nommé, pour accompagner les rythmes métronomiques de Mansell. C’est ici que l’on s’aperçoit
qu’en plus d’être à la morgue, c’est nous qui allons être disséqué par cette
obsédante et magnifique musique du désespoir. En nous mettant littéralement les
entrailles à dehors, la B.O de « Requiem for a Dream » transforme le
terrible impact émotionnel du film en un équivalent auditif.
Pour
soutenir musicalement les différentes étapes de la descente aux enfers des
quatre personnages, l’album se divise en trois parties qui suivent le rythme
des ultimes saisons de l’année (ou de la vie ?). La première sert de base et
installe une poignée de thèmes (dont la superbe ouverture qui tort déjà
l’estomac dans tout les sens) qui seront arrangés ou « dégradés »
dans les deux suivantes. On remarque alors qu’à l’instar de la structure
temporelle du film, les parties sont de plus en plus petites à l’inverse du
sentiment de claustrophobie qui augmente fatalement jusqu’au dernier morceau
qui soulage par son absence de musique. Cette fin d’écoute, placée sous le signe
de l’apaisement (bruit du vent en bord de mer, semblable à certaines créations
de John Cage), nous rappelle que nous sortons d’un bel ouragan et que nous
devrions, à présent, nous sentir plus qu’heureux d’être en vie pour profiter de
la moindre respiration. En cela, cette « symphonie » conceptuelle
est, au même titre que les images qu’elle aide à traverser l’écran,
indispensable.
Yann Moreau