De David Fincher
Scénario de Jim Uhls
D’après le roman de Chuck Palahniuk
Directeur de la photographie : Jeff Cronweth
Montage : James Haygood
Musique : The Dust Brothers (Michael Simpson et John King)
Avec : Edward Norton (Jack); Brad Pitt (Tyler Durden); Helena Bonham Carter (Marla); Meat Loaf Aday; Jared Leto;…
USA – 2h13 – 1999
Sortie DVD, Zone 2, le 15/11/2000
Distribué par PFC Vidéo.
Jack est un jeune homme comme les autres. Seulement, la crise de la trentaine lui rend cette normalité quasi insupportable. Insomniaque, il s’implique dans des thérapies de groupe qui le font sortir de sa banale existence. A l’une d’entre elles, il remarque Marla qui a le même mode de vie nocturne. Dès lors, il retrouve enfin un centre d’intérêt. Quelque temps plus tard, lors d’un voyage en avion, Jack fait la connaissance de Tyler Durden, un étrange représentant en savon. Très rapidement les deux hommes vont devenir inséparables. De leur entente émerge un projet aussi fou que dangereux : créer des clubs de combat clandestin où les gens doivent s’affronter pour vivre par la douleur. Les Fight Clubs naissent alors à travers tout le pays. Tyler Durden décide alors d’insérer de nouvelles règles en vue de d’opérations terroristes pour déstabiliser la société.
Quand, en 1998, en apprenant que David Fincher allait adapter un livre, inédit chez nous (à l’époque) nommé Fight Club, les rumeurs les plus folles commencèrent à circuler rapidement. Dans un premier temps, ce nouvel opus du mythique réalisateur de Seven devait raconter l’histoire de deux hommes qui montent des clubs de combat pour handicapés. Intriguant, ce synopsis allait mettre l’eau à la bouche de pas mal de monde. En fait lorsque le silence radar fut interrompu quasiment un an plus tard, Fight Club prenait des tournures événementielles. Le président du studio Fox d’alors clamait à qui voulait l’entendre que le film allait faire l’effet d’une bombe, qu’il allait devenir le «Orange Mécanique des années 2000 ».
En septembre 2000, l’œuvre attendu comme le messie, est présentée dans un festival de film européen (dont je préfère taire le nom). C’est lors de cette première mondiale que le film, encore sans générique de fin, declenche le scandale. Le blockbuster (70 millions de dollars de budget) révolutionnaire ne serait qu’un « navet fasciste » ! Deux mois plus tard lorsque le film sort enfin en France. La presse est littéralement divisée. Il y a ceux qui haïssent et traînent Fincher dans la boue et ceux qui voient une œuvre novatrice et coup de poing. Le public, bien que déboussolé suit son instinct : plus d’un million de spectateurs entrent dans ce club de combat si spécial. Résultat plus qu’honorable si l’on prend en compte les critiques gratuitement négatives et la campagne stérile sur l’influence de la violence au cinéma qui fait encore rage.
Il aura donc fallut la sortie du DVD pour reconsidérer cet ovni cinématographique. Avec le recul, on peut se demander si ceux qui avaient craché sur Fincher auparavant ne l’avait fait par simple défense de leur mode de vie et surtout de leurs valeurs. Car bien que l’on puisse être agacé par les positions politiques des personnages anarchistes, la structure du film empêche toute adhésion sérieuse véritable. Le fondement narratif à deux points de vue, permet au public de prendre le recul nécessaire pour ne pas cautionner les revendications terroristes de Tyler Durden.
Loin d’être un guide anti-consommation, Fight Club ne pousse pas à la rébellion mais tout simplement à réfléchir. C’est probablement cela qui a choqué ceux qui jugeaient avoir vu un navet. Car loin du pensum soporifique à la Godard, David Fincher se permet de déranger par la provocation et non l’hermétisme visuel. Car sa mise en scène virtuose sert justement son propos. Intelligemment moderne, le cinéaste qui donna à la série Alien sa meilleure séquelle, transcende toutes les techniques, infographiques ou non, pour montrer un univers déshumaniser, où l’humain est inconsciemment au service d’une machine qui le manipule, semblable à un vulgaire rouage. Les valeurs de cette société ne peuvent être alors que matérialistes pour vivre dans un confort qui endort et banalise la vie du travailleur au lieu de l’aider à assumer sa personnalité. D’artificiels, les effets du film (Aménagement Ikea, pellicule qui déraille,…) deviennent marginalisant, symbolisant le mal-être de notre société, et font de David Fincher un authentique artiste contemporain qui se passe de faire des compromis en vue de séduire une large audience. A l’époque d’Alien 3, beaucoup avaient déjà critiqué Fincher pour son maniérisme et sa sombre vision du futur. Par pure provocation ( ?), il avait répondu : « Alien 3 n’a pas été fait pour être vu une fois, mais cinq. Je ne l’ai pas réalisé pour des millions de spectateurs mais pour huit, mes amis qui s’y connaissent en éclairage et en camera ».
Techniquement parfait, Fight Club a su aussi contourner le film « pub » en mettant en vedette un casting à la fois étonnant et profondément homogène. Edward Norton que l’on sait être le seul vrai comédien prodige de sa génération (revoyez l’écart entre ses rôles dans Tout le monde dit I love You et American History X) se surpasse. D’un naturel confondant, il réussit à injecter une ironie constante et salvatrice dans le récit et permet, sans mal, au public de s’identifier à un personnage à priori peu passionnant (qui rêve d’être un employé de bureau insomniaque ?). La scène où il se bat avec lui-même démontre le degré de contrôle de son jeu. D’autre part, Brad Pitt qui, lorsqu’on le laisse évoluer en roue libre, a une tendance fâcheuse à cabotiné compose un Tyler Durden tout en folie et en fureur. De blagueur inquiétant, il passe adroitement au statut de psychopathe. Quant à l’unique personnage féminin, Marla, Helena Bohnam Carter sait à merveille manier l’alternance de naïveté et de perversité, notions fondatrices du rôle et du récit. Depuis ses débuts on connaît le soin maniaque de David Fincher pour choisir le moindre éléments de ses projets. Une fois de plus, le casting est donc parfait.
De film controversé, on peut se rendre compte, avec cette édition DVD collector, a quel point Fight Club est devenu une nouvelle icône dans le registre « cult movie ». Car, bien que le film essuya un échec relatif aux States, le soin apporter à ce coffret est tout simplement hallucinant et justifie à lui seul l’achat d’un lecteur.
Le premier disque (sur deux) contient le film dans son meilleur transfert actuel. Format cinémascope respecté (2.40/1), option 16/9, son Dolby Surround Français et Anglais en 5.1,…tout est là pour que l’acheteur comprenne l’intérêt du DVD. Une piste de commentaires audios de Fincher et des 3 interprètes principaux est disponible. On peut d’ailleurs, à ce propos, noter l’absence de 3 pistes de commentaires par rapport à l’édition en Zone 1. Heureusement, ici l’ensemble est sous titré. Petit détail amusant, celui restant est aussi schizophrénique que le récit : les garçons d’un côté (Pitt et Norton ne cessant de provoquer Fincher sur le manque de lumière ; explications passionnantes sur le mode d’interprétation et les choix de mise en scène) et la fille de l’autre (très sérieuse au demeurant dans son commentaire et sa perception du film). « Quand la réalité rejoint la fiction » diront certains…peut être !
Cependant le côté événementiel de cette édition vient surtout du second disque qui comprend :
- une vingtaine de biographies très complètes des acteurs et de l’équipe technique.
- 17 séquences du film avec option multi-angle et commentaire audio de l’équipe technique (en majorité sous titré). C’est d’ailleurs en regardant ces mini-documentaires qui expliquent toutes les étapes de fabrications (des repérages aux effets infographiques) que l’on se rend vraiment compte du travail titanesque fournit pour le film. Apprendre, par exemple, que la maison de Tyler Durden est un décor construit quasiment en « dur » pour être ensuite vieilli, fait ainsi plus qu’étonner. On peut citer aussi la conception du générique de début (en 4 étapes/angles), étudié dans ses moindres détails et proposé avec une musique alternative !
- 6 scènes coupées ou alternatives (contre 7 en Zone 1) assez courtes qui sont souvent comparées avec la version exploités dans le film. L’absence relative de matériaux non utilisés permet de comprendre que David Fincher ne s’est imposé aucune autocensure.
- Des bandes annonces (teaser, trailer,…) destinées au salle de cinéma et d’autres à Internet pour le moins hilarantes (Norton expliquant que l’esprit du Fight club consiste à « se torcher avec la Joconde »). On peut se demander comment certains ont put être surpris par l’esprit provocateur du film après cela.
- Des Storyboards (séquence du générique, début du film,…)
- Dessins de productions de toute beauté (croquis du casting « bastonné », des vêtements,…)
- Une interview de Edward Norton (en anglais)
Et plein de petits suppléments qui rendent cette édition DVD plus qu’indispensable. C’est bien simple, la durée des deux disques dépasse (en les regardant normalement) les huit heures de visions. De quoi se prendre pour David Fincher ? Oui !
Mais vous êtes encore là ! Offrez-vous enfin un beau cadeau Noël, bon sang !
Note film : 6/6
Note DVD : 5,9/6 (le point qui manque est du à l’absence de certains suppléments, présents seulement sur le DVD zone 1. C’est vraiment faire la fine bouche).
Yann Moreau